mercredi 17 août 2016

L’été d’enfer de Vladimir Poutine

Ukraine, Erdogan, Alep, en bon joueur de poker le président russe profite de la faiblesse américaine avant le changement de président pour avancer ses pions. Vladimir Poutine avance ses pions en Europe centrale et en Syrie, face à un Barack Obama en fin de parcours.

Les Jeux olympiques sont décidément les moments de prédilection de Vladimir Poutine pour lancer un de ses mauvais coups qui seront un pas géostratégique de plus dans son dessein de reconstituer l’empire perdu par des dirigeants communistes à bout de souffle au moment de la chute du rideau de fer.
En 2008, il avait profité des JO de Pékin pour amener à la faute le président Saakashvilli et provoquer un conflit armé avec la Georgie qui avait abouti à la quasi-annexion de l’Ossétie du Sud. En 2014 les Jeux de Sotchi avaient constitué un paravent pour détourner l’attention de son annexion de la Crimée. En 2016 les JO de Rio vont-ils être l’occasion d’une nouvelle escalade en Europe centrale qui aboutirait à ce que la Russie s’empare de la partie de l’Ukraine bordant la mer d’Azov qui relierait définitivement la Crimée à la Russie ?

Avant-goût d’une action plus musclée ?

La France et l’Allemagne, cosignataires des accords de Minsk, qui avaient abouti à un cessez-le-feu à peu près respecté, devraient avoir des raisons de s’inquiéter, car Poutine réécrit cet été un scénario qui a déjà servi en Géorgie : de supposés terroristes ukrainiens se seraient introduits en Crimée pour des opérations de sabotage et auraient tué un membre du FSB et un soldat russe. Des actes « qui ne peuvent rester sans réponse », a déclaré Poutine. Le déploiement de missiles antiaériens S-400 en Crimée, accompagné de l’arrivée de nouvelles troupes russes aux frontières de l’Ukraine suffiront-ils à laver l’honneur « bafoué » du président russe ?
Ou n’est-ce là qu’un avant-goût d’une action plus musclée à suivre ? À moins qu’il s’agisse d’une pression sur les Occidentaux pour qu’ils lèvent des sanctions qui handicapent des plus en plus Moscou dans une période où l’économie russe n’est pas au mieux. En profitant des divisions européennes révélées par le Brexit et d’une présidence américaine totalement à bout de course au moins en matière diplomatique.
Comment autrement expliquer que les États-Unis aient accepté sans broncher cette visite que Recep Erdogan, le président turc, vient de faire à Poutine. Un rapprochement du sultan ottoman et du tsar russe, qui ne s’est pas déroulé par hasard, avec un faste particulier, à Saint-Pétersbourg, dans l’ancienne résidence de la famille impériale.
En faisant la risette à Ankara, Poutine voulait montrer à Washington qu’il était capable de fragiliser tout le flanc est de l’Otan, dont la Turquie est une pièce essentielle. Profitant également du mécontentement manifesté par tous les Occidentaux, américains, comme européens, devant la répression dans tous les secteurs de la société turque – des journalistes aux magistrats en passant par les universitaires – lancée par Erdogan après l’échec du putsch militaire du 15 juillet. Le tout accompagné d’une hyper présidentialisation du pouvoir ottoman dans lequel Poutine reconnaîtra certainement des caractéristiques de sa propre façon de gouverner.

Obama, renforce indirectement Bachar el-Assad

Ce rapprochement russo-turc n’est pas la seule couleuvre que la diplomatie américaine est contrainte d’avaler dans la région. La bataille pour la prise totale d’Alep a révélé l’embarras de Washington devant une situation où, par incapacité à prendre vraiment parti en aidant des factions rebelles modérées à combattre le régime de Bachar el-Assad, elle a laissé les djihadistes purs et durs, proches d’Al-Qaïda, les phagocyter.
La menace que fait peser, à terme, sur les intérêts occidentaux ce groupe, Fath-Al-Cham a donc paradoxalement amené les Américains à approuver les frappes aériennes russes contre eux. Des bombardements qui visent donc aussi les modérés que Washington était censé soutenir. Ce faisant, les Américains renforcent indirectement Bachar el-Assad, l’allié de Moscou. On ne savait pas que c’était l’objectif d’Obama.
On vous le dit : un été d’enfer pour Poutine !
Michel Colomès – Le Point